Vianney Delourme, directeur de collection aux Editions Montparnasse Vidéo

Vianney Delourme, directeur de collection aux Editions Montparnasse Vidéo

J’ai suivi des études d’histoire et de sciences politiques. Après avoir effectué des stages dans les pages culturelles de quotidiens nationaux comme Le Monde et Le Figaro, j’ai travaillé à monter des sites Internet pour des sociétés de consulting et à Reporters sans frontières. Je suis arrivé en 2002 aux éditions Montparnasse, dont mon père est directeur, avec la mission de structurer et de renforcer la lisibilité éditoriale, en mettant en valeur la collection de films documentaires. Nous sommes l’un des rares éditeurs à la fois généraliste et indépendant. La maison a un catalogue de plus de 500 titres en DVD, dont de nombreux documentaires historiques et animaliers. Certains titres ne sont pas rentables mais peuvent exister parce que d’autres marchent très bien. C’est tout le contraire d’une logique de flux, où l’on privilégie le coup marketing en concentrant les ventes sur les titres porteurs au détriment du reste. Nous essayons de promouvoir une diversité culturelle, en misant sur le long terme par la mise en valeur d’œuvres de référence.

J’ai une mission de recherche de titres, de négociation, d’achat et d’édition. Lorsque je m’occupe d’une édition DVD, j’ai la responsabilité de tout le suivi éditorial, de la recherche des intervenants aux tournages éventuels et jusqu’au montage. La liberté de choisir et de proposer des titres me donne la sensation d’être un passeur entre un film et son public. Le travail d’édition consiste d’abord à choisir des titres dans l’immense quantité de films qui existent, puis à les enrichir en les accompagnant d’un appareil critique et de compléments. Il faut sans cesse trouver des films et donc aller en voir beaucoup. Il faut aussi savoir expliciter les raisons de ses choix devant la presse ou dans les festivals. Enfin, il faut avoir une capacité d’écriture.

J’ai lancé la collection « Regards », une réflexion sur les idées de penseurs du XXème siècle comme Gilles Deleuze ou Serge Daney, pour lequel on a recherché des entretiens de grande qualité, qui étaient encore inédits. J’ai aussi participé, avec Marc Antoine Roudil et Patrick Leboul, au lancement d’une collection intitulée « le geste cinématographique », qui présente une œuvre unique, comme le coffret Jean Rouch ou le groupe Mevdekine. Nous essayons de faire de beaux objets qui donnent envie.

J’ai également travaillé à la réédition en DVD du film de Frédéric Rossif : « De Nuremberg à Nuremberg ». Ce travail d’un an et demi a permis de proposer des compléments très didactiques, avec des entretiens filmés avec des historiens comme Marc Ferro, Annette Wievorka ou Edouard Husson, qui peuvent servir de support de cours aux professeurs qui enseignent la seconde guerre mondiale.

L’utilisation d’extraits de films pose de nombreux problèmes comme la recherche des ayants droits, qui sont parfois très chers ou qui refusent de vendre. Beaucoup de films du patrimoine sont condamnés à dormir dans les tiroirs, en raison du surenchérissement des extraits. Nous avons une équipe de deux juristes qui travaillent à plein temps sur ces problèmes. Nous travaillons également avec les producteurs, avec lesquels nous avons des rapports commerciaux mais aussi de confiance. C’est parfois cette relation qui permet l’édition d’un film. Pour « S21 », le film de Rithy Pahn sur le génocide cambodgien, nous nous sommes interrogé sur la possibilité d’enrichir une œuvre déjà très forte visuellement et nous avons provoqué une rencontre entre le réalisateur et le plasticien Boltanski, qui essayait de donner corps a la Shoah, événement qui également n’avait pas laissé de traces.

Lorsque le master arrive, la qualité du matériel est vérifiée par notre responsable technique. Il intervient sur le matériel pour corriger les défauts éventuels comme les pliures de bandes, les trous de son, les rayures, et engage si nécessaire une restauration plus poussée. Cette restauration s’effectue après diagnostic en laboratoire. Lorsque le matériel est restauré, deux personnes supervisent le processus de fabrication du DVD. La conception de l’arborescence, des fonctionnalités et de la lecture dynamique du disque est externalisée dans un studio de création graphique mais c’est nous qui définissons la charte graphique et la feuille de route, lesquelles sont validées par des allers retours avec le studio. Après l’encodage et la numérisation du numéro 0, on fabrique un « glass master » qui va être pressé à plusieurs milliers d’exemplaires. Commence ensuite le travail de création graphique, le choix du texte sur la 4e de couverture, la jaquette, le coffret et toute l’opération marketing.

Un DVD coûte cinq fois plus cher à fabriquer qu’une VHS et il est souvent vendu moins cher que ne l’étaient les VHS. Sur une vente au public à 25 euros, un éditeur en empoche 2, avec lesquels il doit couvrir les frais d’arborescence, de restauration, de pressage et le coût des compléments. Le public attend une qualité irréprochable du DVD, dont le standard technique est plus élevé que pour la télévision, ce qui exige un haut niveau d’expertise de l’image et du son, sur les plans artistique et technique. Il faut très bien connaître aussi bien la matière première, les films, que les différentes facettes du traitement éditorial. Il n’y a pas de place pour l’improvisation.

(Témoignage publié dans l’édition 2005 du Guide des Formations)