Pascal Ralite, directeur de production

Pascal Ralite, directeur de production

J’ai commencé à l’âge de 17 ans à faire des stages à la régie et à la mise en scène. Ces stages m’ont permis de découvrir les corps de métiers de la machinerie et de la lumière et d’observer le déroulement des tournages. Au bout de 3 ou 4 ans je suis devenu second assistant à la régie, puis, à l’age de 25 ans, régisseur général. C’était un métier assez dur, qui n’était pas organisé comme aujourd’hui. La mise en place de la régie, au vrai sens du terme, avec ses règles et son organisation, les plans de décors, la bible où toutes les informations sont regroupées, l’organisation du véhicule régie, tout cela n’existait pas avant les années 80. J’ai donc fait régisseur général pendant 10 ans sur des films et des téléfilms, petits, moyens et gros puis, à 35 ans, je suis devenu directeur de production.

Le directeur de production intervient dès le début du processus de production. C’est lui qui établit le budget qui permettra au producteur de décider s’il prend ou non le risque de démarrer un projet et ensuite d’aller chercher des financements. Il doit aussi avoir un regard artistique sur le projet pour ne pas avoir une vision réductrice de son budget. Il est donc celui qui permet au réalisateur et au producteur de se retrouver sur un projet commun et d’associer création et gestion. Il ne doit pas seulement gérer l’argent mais aussi pouvoir proposer des solutions face aux problèmes financiers. Il s’occupe aussi de la gestion du budget. Grand argentier du film, il joue le rôle de déclencheur d’alarmes, doit anticiper les dépenses et gérer au mieux afin de prévenir le producteur si celui-ci part dans une direction trop onéreuse. Il est sur le fil du rasoir et doit savoir très rapidement dire oui ou non, en justifiant ses choix et en apportant des solutions concrètes.

Par exemple, pour l’ouverture de « Monsieur N », d’Antoine de Caunes, le réalisateur voulait ajouter une scène où le gouverneur de l’île débarque à Sainte Hélène, afin de souligner l’idée d’un pouvoir anglais fort sur l’île. Cette scène n’était pas prévue, mais avait une réelle importance dans l’histoire du film. On a donc ajouté 300 figurants à ce qui était prévu, ce qui voulait dire 300 costumes et 20 maquilleurs supplémentaires. Une autre fois, on devait tourner une scène aux Invalides, initialement prévue sur 3 jours avec 600 personnes en figuration et toute la logistique d’effets spéciaux, de machinerie et d’électricité que cela implique. Chaque journée coûtait 100.000 €.. Après discussion, on a réussi à économiser une journée, grâce à une idée du chef opérateur qui a proposé d’utiliser un immense cadre permettant de garder les raccords lumière. Autre exemple, sur le dernier film sur lequel j’ai travaillé, il y avait une scène avec un immeuble et on avait le choix de la tourner en studio ou en extérieur. Après discussions avec le chef déco, on a décidé de reconstituer l’immeuble en studio pour valoriser le décor avec des cascades et des effets spéciaux, en se rattrapant sur les autres décors qui ne nécessitaient que peu d’interventions.

Lorsque le film est budgété et que le producteur et le réalisateur se sont entendus, le directeur de production rencontre le 1er assistant réalisateur, qui est chargé de faire le plan de travail et le réalisateur, avant de constituer l’équipe avec les chefs de poste. Il négocie les salaires, les décors et choisit les fournisseurs. La règle d’or est de tout régler lors de la phase de préparation afin de limiter les surprises et de permettre au film de se tourner dans les meilleures conditions. Lorsque les inévitables imprévus surgissent, on peut ainsi être très réactif. Il faut aussi savoir être diplomate face à des metteurs en scène parfois difficiles et faire entendre son point de vue. Cela ne s’apprend pas vraiment à l’école. La théorie permet d’avancer sur le plan artistique, mais c’est le terrain et l’expérience qui prévalent pour le reste.

C’est un métier d’opportunité, qui demande à être à la bonne place au moment où il faut. Il suppose beaucoup d’investissement personnel. Je vis plus sereinement aujourd’hui, mais entre 18 et 30 ans, je dormais peu et je mangeais mal. La hiérarchie est très forte et traditionnelle, et la couverture sociale est précaire. Il ne faut pas hésiter à contacter les gens et à les rappeler, même si cette recherche est ingrate. Mais la profession et le marché du travail ont évolué. Aujourd’hui les stagiaires sont plus âgés, ils ont 24 ou 25 ans et ont plus de mal à écouter. Un signe très fort de ce changement c’est qu’aujourd’hui les gens efficaces en régie sont des filles, peut être plus matures, plus à l’écoute.

(Témoignage publié dans l’édition 2005 du Guide des Formations)