Jacques Comets, chef monteur

Jacques Comets, chef monteur

Je participe au recrutement des assistants-monteurs pour les films sur lesquels je travaille, et au choix des collaborateurs de toute la post-production : montage-son, mixage, bruitage, post-sychronisation… Bien que totalement ignare en informatique, j’ai été parmi les premiers monteurs à travailler en virtuel qui s’est surtout développé depuis 5-6 ans. Avant, pour obtenir sa carte professionnelle d’assistant-monteur, il fallait réglementairement avoir effectué trois stages sur un long-métrage et un stage en laboratoire ; le montage, contrairement à l’image et au son, ne réclamait pas alors de bases techniques importantes.

La division du travail prévoyait toujours un poste de stagiaire et garantissait ainsi une certaine transmission du savoir. Avec le développement du numérique, si le travail d’écriture reste inchangé pour le monteur, des choix sont dorénavant effectués dès la pré-production sur les outils et procédures qui seront ultérieurement retenus pour le montage de l’image et du son. Les conséquences sont importantes: il y a bien sûr une répartition nouvelle des tâches entre le chef monteur et les assistants, désormais recrutés sur leur maîtrise des procédures, mais surtout, on observe que les monteurs et leurs assistants risquent de ne plus être attachés à un objet-film mais liés à un outil précis, dans un studio donné, favorisant ainsi la standardisation des produits finis. C’est dire que le metteur en scène, ayant de moins en moins le choix de ses collaborateurs de post-production, se voit remettre en question le final cut et par conséquent les principes du droit d’auteur. En France, cette évolution est aujourd’hui extrêmement rapide car nous étions plutôt en retard sur le plan technologique.

La période est charnière : le son est monté en numérique dans la quasi-totalité des cas et l’image dans une grande proportion. Cela implique que les pré-requis en informatique deviennent toujours plus importants. Les nouvelles machines comme Avid ou Lightworks sont vraiment adaptées à l’esprit du montage et permettent une organisation plus précise du récit et un meilleur contrôle technique. Je crois que l’on travaille mieux sur les nouvelles machines mais je constate les dangers de cette nouvelle liberté qui fait perdre de vue l’aspect matériel du film. Le sens et l’émotion sont parfois délaissées au bénéfice de la vitesse et de la virtuosité.

D’autre part, les équipes se réduisent et les cellules de montage sont de plus en plus éclatées, ce qui diminue les possibilités d’échanges et de discussions autour des films.L’ancien système de formation et de recrutement était incontestablement source de népotisme. Mais aujourd’hui le vrai problème c’est que les compétences artistiques sont négligées au profit de l’hypertechnicité dans nombre de formations.

(Témoignage publié dans l’édition 2001 du Guide des Formations)