Mali Arun

À PROPOS DE SON FILM FEUX (2015, 14’ – GREC)

J’ai passé un bac option cinéma en Alsace puis j’ai fais La Cambre, une école d’art à Bruxelles, avant de poursuivre mes études aux Beaux-Arts de Tianjin en Chine et enfin aux Beaux-Arts de Paris. Avant de faire des films, j’avais passé pas mal de temps sur des tournages : je faisais de la déco, de la régie, des costumes, et ces expériences, avec toutes les rencontres qu’elles ont occasionnées, m’ont beaucoup servi ensuite.

De manière générale, je m’implique beaucoup à toutes les étapes de la fabrication du film. Par exemple, j’aime être présente aux essais caméra, et cela jusqu’au DCP. C’est sans doute parce que j’ai encore beaucoup à apprendre. Toute seule, je ne peux pas grand chose, mais réussir à rassembler tous ces univers de compétences pour faire avec les connaissances de chacun·e un film d’une seule pièce, c’est assez magique.

Durant mes études d’arts, j’ai toujours travaillé avec la vidéo, l’écriture et le son. J’ai fait des installations, des performances, j’ai étudié l’espace urbain d’un point de vue subjectif et travaillé sur des friches en banlieue, en particulier sur une installation dans une friche industrielle en Alsace, avec une approche très documentaire.

En 2013, j’ai réalisé un film intitulé Barak. C’est un film documentaire de 60’ sur des Roms et leur campement, leurs allers-retours entre la banlieue parisienne et la Roumanie, dont le récit est porté par une histoire d’amour. Le film a été produit par Marie Odile Gazin (The Kingdom) et a bénéficié d’assez nombreux financements (aides à l’écriture du CNC et de la Scam, aide au développement et Contribution financière du CNC, aide avant réalisation du CNAP). Il a fait quelques festivals, dont celui de Lussas.

Feux, mon film suivant, est un court métrage de fiction autour de deux adolescentes en crise qui errent autour d’un feu de la Saint-Jean, dans un petit village alsacien. C’est un film dont le scénario est délibérément distendu, oscillant entre documentaire et fiction.

C’est le GREC qui a permis au film d’exister. Mais le GREC n’est pas un producteur au sens habituel. Ils vous donnent une enveloppe de 18 500 €, avec laquelle il faut se débrouiller. Comme ils n’ont pas le statut d’une maison de production et qu’ils suivent dix-sept projets dans l’année, ils ne cherchent pas d’autres financements. J’ai donc lancé un appel à financement participatif sur Ulule, qui a rapporté 2 000 €.

À l’inverse, en tant qu’institution, le GREC a la liberté de produire selon des critères purement artistiques, ce que peu de producteur·rices indépendant·es peuvent se permettre. L’équipe du GREC porte aussi un regard attentif aux films qui en sortent et est très présent sur les festivals. J’ai rencontré au GREC d’autres réalisateur·rices qui font eux/elles aussi des films dans une démarche de recherche permanente. Nous ne travaillons pas sur les mêmes thématiques mais nous avons une approche commune qui m’a aidé à clarifier et conforter ma propre démarche.

Même si l’on a besoin de ranger les choses dans des cases, je ne fais guère de différence entre mon travail documentaire et de fiction. Pour moi, je fais des films, tout simplement, même si nous étions quarante pour tourner Feux et quatre pour Barak. C’est la production et les circuits de financement qui ne sont pas les mêmes. Dans Feux, les deux tiers du film – le feu de la Saint-Jean, les villageois·es – relèvent du documentaire. Avant le tournage, je disais à la première assistante : « On verra bien ce qui se passera. » et c’était difficile pour elle, venant de la fiction, de comprendre cette démarche. La difficulté était de mettre en place un dispositif permettant de capturer à la fois les scènes documentaires et la fiction qu’on y introduisait. Lorsqu’il y a cinq cents personnes sur le plateau, il n’est pas forcément évident de faire les mises en place de scènes fictionnelles. J’ai d’ailleurs revu le film au festival de Pantin et je ne suis plus très satisfaite de ces séquences de fiction. Les seuls moments que j’aime vraiment sont finalement ceux qui ont été pris dans le réel. La maîtrise totale ne m’intéresse pas, il y a des moments tellement plus riches et beaux lorsqu’on laisse les choses venir. Et en même temps, je crois que je ne pourrais pas faire l’un sans l’autre, car à l’inverse, l’image dans mes films est très composée et on ne sait plus trop dans quel registre on est. C’est une frontière qui est sans cesse traversée, aussi bien sur le plan esthétique que narratif.

J’ai obtenu le GREC à la commission de septembre 2013 et on a commencé à préparer le tournage à partir du mois de janvier suivant. Le film a été tourné en juin 2014 et il a été terminé en novembre de la même année. Juste avant le tournage, j’avais obtenu une bourse de 5 000 € de la Ville de Paris. Cette aide, qui s’appelait Paris Jeunes Talents et qui a disparu aujourd’hui, était destinée aux jeunes plasticien·nes. Nous avons également obtenu une petite aide de la Sacem pour le compositeur. Le budget total du film approchait les 25 000 €, ce qui couvrait la régie mais ne permettait pas de payer les technicien·nes. Il a donc fallu trouver des gens prêts à travailler bénévolement, alors que sur Barak, tout le monde avait été payé.

La première projection de Feux a eu lieu à Clermont-Ferrand. Ensuite le film est passé à Cabourg et à Pantin. Il vient également d’être sélectionné à Contis où il a reçu le Prix de la mention spéciale et au festival Partie(s) de Campagne dans le Morvan. Il passe également au festival Concorto en Italie.

Au GREC, c’est le/la réalisateur·rice qui inscrit son film dans les festivals, mais le film est numérisé sur des plateformes et il suffit de quelques clics réguliers pour en assurer le suivi. Les festivals permettent de faire connaître les films mais ils sont aussi l’occasion de belles rencontres avec d’autres réalisateur·rices de ma génération, dont certain·es font aussi leur film avec le GREC. On s’y constitue ainsi une petite famille en cinéma.

Le GREC et le CNAP m’ont fait la commande d’un court métrage qui fera partie d’une collection de films sur le thème de la première image. Ma proposition s’appelle Paradisus. Et je prépare actuellement un documentaire intitulé La Maison. Il sera à nouveau produit par The Kingdom.

Témoignage publié dans le Guide des Aides 2015.